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Indemnisation de l’aléa thérapeutique : la contestation du principe d’indemnisation par l’ONIAM

Civil - Responsabilité
Affaires - Assurance
Public - Santé
09/11/2021
Lorsque deux offres d’indemnisation ont été émises par l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et que la première, provisionnelle, a été acceptée par la victime, l’ONIAM n’est plus en mesure de contester le principe même d’indemnisation et cela alors même que la deuxième offre, définitive, a été refusée.
Faits et solution

En l’espèce, à l'issue de la pose d'une prothèse du genou, une personne présente un descellement tibial avec des phénomènes inflammatoires importants ce qui nécessite l’ablation de la prothèse le 4 mars 2011 et la mise en place d'une nouvelle prothèse quelques mois plus tard.

S’estimant être victime d’accident médical, la personne saisit la commission régionale de conciliation et d'indemnisation à la suite de douleurs persistantes et d'une réduction de son périmètre de marche. Ladite commission estime, par un avis rendu la 11 avril 2012, que le dommage subi ouvre droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. L’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) formule une proposition d'indemnisation provisionnelle au titre de déficit fonctionnel temporaire que la victime accepte le 12 septembre 2012.

Toutefois, estimant l’offre d'indemnisation définitive présentée par l'ONIAM le 17 février 2016  insuffisante, la victime opte pour une action contentieuse. 

La Cour d’appel de Chambéry estime que l’accident médical non fautif n’a pas eu lieu et que la victime a subi un échec thérapeutique ne relevant pas de la prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Il ressort en effet de son arrêt que « le refus par Monsieur [X] de l'offre de l'ONIAM et sa saisine du tribunal de grande instance de Bonneville, rendent l'offre caduque, de sorte que l'ONIAM s'en trouve délié et qu'il appartient au juge de statuer tant sur l'existence que sur l'étendue des droits du demandeur » de sorte qu’ « il ne peut être reproché à l'ONIAM d'avoir approuvé, dans le cadre de la première offre, une indemnisation provisionnelle qu'elle n'acceptait que dans le cadre de la procédure de règlement amiable, et qui ne peut la lier dans le cadre de la procédure contentieuse initiée par Monsieur [X], qui a refusé l'offre définitive amiable ».

La Haute juridiction casse cet arrêt au visa des articles L. 1142-1, II, et L. 1142-17 du Code de la santé publique et les articles 2044 et 2052 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016. Elle rappelle que « l'acceptation de l'offre vaut transaction au sens de l'article 2044 du Code civil » qui « termine une contestation née » et « a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ». La Cour estime en conséquence que « l'acceptation par la victime de l'offre provisionnelle de l'ONIAM valant transaction met fin à toute contestation relative à son droit à réparation » et qu’en statuant comme elle l’a fait « alors que seuls demeuraient en débat les préjudices subis par M. [X] et consécutifs à l'accident médical, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Éléments d’analyse

Parmi les motifs adoptés de l’arrêt d’appel, sont citées deux jurisprudences de la Cour de cassation qui permettent d’éclairer la présente solution. Dans la première affaire, les victimes ont accepté les offres que l'ONIAM leur a adressées au titre des préjudices spécifiques mais ont contesté celles relatives aux troubles dans les conditions d'existence ce qui a conduit l'ONIAM, s'estimant délié de l'offre a dénié toute indemnisation. La demande des victimes étant accueillie par la cour d’appel, la première chambre civile casse l’arrêt au motif que « le refus de l'offre, par la victime, la rend caduque, de sorte que l'ONIAM s'en trouve délié » (Cass. 1re civ., 6 janv. 2011, n° 09-71.201). Dans la seconde affaire du 4 février 2015, la victime refuse les deux offres et assigne au fonds devant le juge judiciaire (Cass. 1re civ., 4 févr. 2015, n° 13-28.513). Comme dans l’espèce commentée, la cour d'appel va remettre en cause le droit à réparation lui-même privant ainsi la victime de l’indemnisation, ce que la Cour de cassation approuve en ces termes « que le refus, par la victime, de l'offre adressée par l'ONIAM en vertu de l'article L. 1142-17 du Code de la santé publique, rend celle-ci caduque, de sorte que l'office s'en trouve délié, et qu'il appartient à la juridiction, saisie par la victime comme le lui permet l'article L. 1142-20 du même code, de statuer tant sur l'existence que sur l'étendue de ses droits ». De même, dans un arrêt du 14 janvier 2016 relatif à l’indemnisation par le FIVA, la deuxième chambre civile réitère ce principe (Cass. 2e civ., 14 janv. 2016, n° 14-26.080). Commentant cet arrêt, le Professeur Groutel a fait justement remarquer que « La Cour de cassation entend bien marquer l'autonomie de la procédure de l'offre, et son effacement lorsqu'elle fait place à la procédure judiciaire » (Resp. civ. et assur., 2016, comm. 118).

Le mécanisme juridique sous-jacent à ces décisions est le suivant : selon l’article 2044 du Code civil la transaction est un contrat qui, en l’absence d’acceptation de la part du bénéficiaire, devient caduc mettant ainsi fin à l’existence dudit contrat suivant la lettre de l’article 1187 alinéa 1er du même code. De fait, le pollicitant, en l’absence d’acceptation de son offre par le bénéficiaire, s’en trouve délié, ce qui a pour effet de remettre les parties dans leur état initial antérieur et ce qui permet par corollaire de rouvrir le débat sur le principe même de l’indemnisation.

Le présent arrêt ne remet pas en cause ce mécanisme. En l’espèce, la première transaction provisionnelle a été bien acceptée mais la seconde, définitive, refusée alors qu’elle portait la mention « annule et remplace l'offre d'indemnisation transactionnelle partielle » ce qui permet à la Cour d’affirmer que « l'acceptation par la victime de l'offre provisionnelle de l'ONIAM valant transaction met fin à toute contestation relative à son droit à réparation sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique ». En d’autres termes, si dans une situation ou deux offres ont été émises et la première, provisionnelle, a été acceptée par la victime l’ONIAM n’est plus en mesure de contester le principe même d’indemnisation, seulement son étendue. Or, si les deux offres ont été refusées par la victime la solution demeurera la même que celle de l’arrêt du 4 février 2015 précité.

Même si dans cette espèce la Cour se montre favorable aux victimes, le litige met toutefois en exergue, une fois de plus, le sort peu enviable des victimes des aléas thérapeutiques en général. Le système mis en place par la loi Kouchner fut un pas important vers l’indemnisation des victimes des accidents médicaux non fautifs mais qui a su occulter ce louable objectif par les « critères exigeants de l'article L. 1142-1, II du Code de la santé publique, conjugués à une interprétation jurisprudentielle parfois inutilement sévère », selon l’expression du Professeur Bloch (« Un nouveau départ pour l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux non fautifs par l'ONIAM ? », Resp. civ. et assur., 2021, étude 1)
Source : Actualités du droit