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Prestation compensatoire et allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) : rappel de la Cour de cassation

Civil - Personnes et familles, Bien et patrimoine
17/09/2025

Par un arrêt du 12 juin 2025, la Cour de cassation rappelle, sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, les limites à ne pas franchir dans la motivation des décisions relatives à la prestation compensatoire. Elle précise qu’invoquer la vocation d’un ex-époux à percevoir l’ASPA revient à faire supporter par la collectivité l’insuffisance de ses droits à retraite, alors même que cette insuffisance résulte d’un engagement familial (éducation des enfants, gestion du foyer).

Contexte : prestation compensatoire et logique de solidarité

La prestation compensatoire vise à corriger la disparité créée par le divorce dans les conditions de vie respectives des ex-époux. Elle est déterminée selon les ressources, les besoins et la prévisibilité de leur évolution. Elle ne se confond pas avec un mécanisme d’aide publique.

L’ASPA est une prestation de solidarité nationale. Elle garantit un minimum de ressources aux personnes âgées qui disposent de revenus modestes. Elle n’a pas vocation à suppléer les obligations nées du mariage et de sa dissolution.

La position de la Cour : pas de transfert vers la collectivité

La Cour relève que l’allégation selon laquelle un ex-époux « pourrait bénéficier » de l’ASPA traduit la volonté de déplacer la charge du déséquilibre économique vers la collectivité. Or, la prestation compensatoire a précisément pour objet de rééquilibrer la situation entre les anciens conjoints. En conséquence, l’argument fondé sur la perspective d’une ASPA est inopérant pour réduire ou écarter la prestation compensatoire.

Motivation des décisions et impartialité

Au titre de l’article 6 CEDH, la Cour rappelle que le magistrat ne peut laisser apparaître, dans ses motifs, une appréciation subjective portant sur les choix de vie d’une partie. Il ne peut traduire un jugement de valeur susceptible de faire naître un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction.

La motivation doit rester objective, factuelle et exempte de considérations personnelles. Sont à proscrire les formules insinuant qu’un ex-époux aurait « choisi » de ne pas travailler ou d’« attendre » la solidarité publique. Une telle rédaction fragilise le caractère équitable du procès.

Portée pratique

Pour l’évaluation de la prestation compensatoire, il convient d’examiner les éléments économiques actuels et prévisibles des parties : âge, santé, qualification, perspectives de revenus et de retraite, durée de la vie commune, contributions au foyer. La seule éventualité d’un futur recours à l’ASPA ne peut justifier un abaissement de la prestation.

Lorsque l’un des ex-époux s’est consacré à la famille au détriment de sa carrière, l’autre ne peut se retrancher derrière l’existence de dispositifs sociaux. La logique du divorce commande que l’équilibre soit recherché entre les ex-époux, et non par un transfert indu vers la solidarité nationale.

Conclusion. Cet arrêt du 12 juin 2025 consolide deux exigences : d’une part, la finalité propre de la prestation compensatoire, tournée vers la correction de la disparité née de la rupture ; d’autre part, une motivation judiciaire neutre, conforme à l’article 6 CEDH, excluant toute appréciation subjective. Il s’agit d’un repère jurisprudentiel utile pour la rédaction des prétentions, la détermination des pièces pertinentes et la sécurisation des décisions en matière familiale.