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Contrôle d’une mesure d’instruction et contradictoire : la Cour régulatrice statue

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
30/12/2020
Pour la première fois, la Cour de cassation énonce le principe selon lequel le juge du contrôle de la mesure d’instruction saisi dans la phase d’exécution de la décision ordonnant une telle mesure ne peut agir par ordonnance sur requête, par nature non contradictoire.
Rappelons que des mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige (C. proc. civ., art. 145). Cette ordonnance, lorsqu’elle est prononcée sur requête, est rendue à l’issue d’une procédure non-contradictoire. Mais tout intéressé peut en demander la rétractation, l’affaire étant alors examinée de façon contradictoire (C. proc. civ., art. 496, al. 2).

Faits et procédure. – Dans l’affaire dont a été saisie la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le président d'un tribunal de grande instance a, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, autorisé dans une ordonnance sur requête d’avril 2017 la saisie du disque dur d’un ancien salarié suspecté de détournement de clientèle et dans une seconde de juillet 2017, sur saisine par l’huissier de justice, sa conservation en raison de la nécessité de procéder en dehors des lieux de la saisie à son analyse.
L’ancien salarié a assigné son employeur en rétractation des deux ordonnances. Sa demande a été rejetée par une ordonnance d'un juge des référés en septembre 2017, dont il a interjeté appel.
 
L’ancien salarié fait valoir dans son pourvoi que le juge saisi d’une difficulté d’exécution sur le fondement de l’article 168 du Code de procédure civile, ne pouvait statuer par ordonnance sur requête, par nature non contradictoire. L’alinéa 2 de l’article 167 du même code dispose, en effet, que le juge chargé du contrôle d’une mesure d’instruction statue après avoir convoqué les parties et s’il y a lieu, le technicien.
 
Réponse de la Cour. – La Cour régulatrice casse l’arrêt en ce qu’il rejette la demande de rétractation de l’ordonnance de juillet 2017, au visa des articles 16 et 168 du Code de procédure civile invoqués par l’auteur du pourvoi, mais également de l’article 14 du même code, qui énonce que toute partie doit être entendue ou appelée, et des articles 166, selon lequel le juge chargé de procéder à une mesure d’instruction ou d’en contrôler l’exécution peut ordonner telle autre mesure d’instruction que rendrait opportune l’exécution de celle qui a déjà été prescrite et 167 prévoyant que les difficultés auxquelles se heurterait l'exécution d'une mesure d'instruction sont réglées, à la demande des parties, à l'initiative du technicien commis, ou d'office, soit par le juge qui y procède, soit par le juge chargé du contrôle de son exécution..
« Lorsque le juge chargé du contrôle d'une mesure d'instruction exerce les pouvoirs prévus par les trois derniers de ces textes [166, 167 et 168], il doit respecter le principe de la contradiction et statuer, les parties entendues ou appelées ».
Le juge chargé du contrôle de la mesure d'instruction avait statué par ordonnance sur requête. La cour d'appel a donc violé les textes susvisés.
 
Il résulte de cette décision que, saisi d’une demande fondée sur les articles 166, 167 ou 168 du Code de procédure civile, le juge chargé du contrôle ne peut pas statuer par ordonnance sur requête, par nature non contradictoire, le fait que le contradictoire puisse être rétabli par un recours en rétractation étant, à cet égard, indifférent. L’ordonnance qu’il rend en application de l’alinéa 2 de l’article 170 du même code ne pourra être prise qu’à l’issue d’une procédure contradictoire.
 
Remarque : En 1989, dans cette hypothèse, seul le recours en rétractation était possible, conformément au droit commun de l’ordonnance sur requête (Cass. 2e civ., 24 avr. 1989, n° 88-10.941, Bull. civ. II, n° 98 ; Cass. 2e civ., 4 juill. 2007, n° 05-20.075). En 2019, la Cour de cassation avait jugé que « La décision d’extension de la mission de l’expert désigné par un juge des référés, rendue à la demande d’une partie sollicitant le respect du principe de la contradiction par le juge du contrôle des expertises ne constitue pas, du seul fait que les parties n’ont été ni entendues ni appelées à l’instance, une ordonnance sur requête rendant l’appel immédiat de la décision irrecevable » (Cass. 2e civ., 27 juin 2019, n° 18-12.194, publié au Bulletin).
 
Pour aller plus loin, v. Le Code de procédure civile commenté, art. 14.
Source : Actualités du droit